
Tu cherches à peine à me comprendre et déjà, tu me dis compliquée. En réalité, tu n’es pas loin de la vérité…
Mais je suis qui, au fait ? Voilà la question soulevée !
J’ai fait l’objet de maintes réflexions depuis plusieurs siècles. Certains philosophes s’y sont aventurés et quelques scientifiques ont cru y arriver.
S’ils n’ont pas réussi à me comprendre, je dois te dire que moi non plus et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Depuis la nuit des temps, se déchaîne au plus profond de moi, une dualité d’opposition.
Le choc de la consternation face à la beauté de l’admiration.
Alors qu’en d’autres temps se bouscule la compassion suivie de la dérision qui me sert de libérateur.
Je dérive entre bonté, perversité, douceur et force, qui font de chaque instant un conflit d’émotions permanent.
Il m’arrive de dévoiler mes courbes sans pudeur pour affirmer ma liberté, ou de me cacher derrière d’épaisses étoffes, pour me protéger des regards salaces dégoulinants de répugnance.
Partagée entre le désir de plaire et d’être estimée, je veux être respectée. Et si je veux être considérée, j’aime que l’on me montre un léger irrespect pour pouvoir asseoir mon autorité. Attention, je n’aime pas que tu me prennes pour ta mère, si je ne la suis pas. Mais je ne pourrai lutter contre le besoin de te materner si dans tes yeux, je décèle la tristesse émanant de ton âme d’enfant.
En amour, j’ai envie d’être plus qu’aimée et de me sentir appartenir corps et âme, mais j’ai besoin de ma liberté pour survivre. Je n’aime pas que l’on confonde indifférence et indépendance, j’ai besoin de toute l’attention pour me sentir exceptionnelle et irremplaçable.
J’aime être la seule et l’unique, mais force est de voir que face à la concurrence, je me donne les moyens de me surpasser.
J’ai la certitude de porter le poids du monde et la responsabilité de la sauvegarde de notre espèce sur mes épaules et trouve ça épuisant, mais ô combien glorifiant.
Je veux être autonome tout en étant guidée pour me sentir rassurée, juste ce qu’il faut pour ne pas éprouver la sensation d’être abandonnée, ni infantilisée.
Lorsque je parle, j’aime me sentir vraiment entendue. Si j’apprécie te conseiller, je n’aime pas que tu étales ton savoir comme synonyme de génie, ou alors sème-le de subtilité.
Je clame haut et fort que la franchise est reine de l’honnêteté et que jamais je n’accepterai le mensonge menant à l’illusion d’une communication tronquée. J’espère secrètement que tu me protèges et omettes de me dire la vérité si je ne devais pas la supporter. Je pense pouvoir surmonter l’innommable et trouve certains petits obstacles insurmontables.
Je me sens par moment petite, emprunte de fragilité et me retrouve, face aux épreuves de la vie, surprise devant la grandeur de mon courage.
J’ai besoin quelque fois d’être bousculée, ébranlée, houspillée, chahutée, mais surtout pas humiliée.
Si je semble versatile, qu’en est-il du regard que la société pose sur moi ?
Icône placée sur un piédestal, on me fait basculer pour mieux me piétiner.
Vénérée par l’homme, idolâtrée par des peuples entiers, me voilà d’un regard, souillée, parfois même déshonorée.
Certains peuvent dépenser des fortunes pour être témoins des plus beaux de mes déhanchés, pendant que d’autres me prient de me voiler.
J’ai l’image d’un cœur fragile à défendre, de sensible à préserver et suscite chez certains autres communs, une obsession de sauveur voulant à tous prix me protéger.
Je porte la vie au creux de moi et inspire le respect, puis, nommée de démente attirant l’œil du diable, je me retrouve injuriée jusqu’à être lapidée.
Des combats se mènent pour moi me déclarant liberté, mais lorsque l’ami décide que le viol est trophée, me voilà séquestrée dans cette prison de chair qui sert à satisfaire.
On me dit sexe faible, mais l’on m’octroie le pouvoir d’affaiblir le sexe opposé.
On me cite vierge de tout temps et ensuite tentatrice devant l’œil du serpent.
Surnommée quelque fois déesse de la fertilité, je continue à engendrer de la beauté à la monstruosité.
Pendant de nombreuses années, j’ai été exclue de l’enseignement. Les littéraires de cette ère ont omis de me raconter.
Pendant que certains droits se décidaient, évincée de la sphère politique, c’est dans l’oubli que j’ai patienté.
Éloignée de la vie intellectuelle, je suis pourtant devenue responsable de l’éducation des futurs héritiers et ai été désignée apte à assurer la descendance, future combattante et fruit de l’humanité.
Considérée comme sous – qualifiée, j’ai été privée de l’apprentissage de l’art de la guerre et n’ai pu protéger ma cité.
Antinomie d’une société dans laquelle, au quotidien, je suis maintenue dans une situation subordonnée… il est pourtant arrivé qu’à peine sortie de l’enfance, j’aie pu faire accepter mon autorité par les plus grands guerriers de métier.
Dans l’ensemble des sociétés et tout au long de l’histoire, j’ai subi mutilations, dévaluations, tortures, viols, agressions, mort… Et regarde, c’est debout que j’affronte les siècles…
Mon histoire se dévoile encore, aujourd’hui, à travers les larmes versées.
Je cherche à faire oublier mon lourd passé pour m’élever au même rang que mon acolyte du sexe opposé.
J’ai rêvé d’être son égal sans concession, aux mêmes conditions. Doux rêve que voilà… De statut similaire, il ne me reste que l’illusion, certains prétendent, même, que je devrais abandonner toute prétention.
Il est clair qu’au fond, c’est de différences que la beauté est née. Mais je ne suis pas dupe… pour mes droits, c’est jusqu’à mon dernier souffle que je me battrai !
Si je cherche par moment à me confondre de l’autre côté, c’est pour mieux me prouver que j’ai le choix de ma liberté.
Mon regard peut tout exprimer dans le plus grand des silences et aveugler avec fracas de colère et de défiance.
Je suis un paradoxe aux yeux de l’humanité qui cherche encore à m’expliquer.
Je suis celle qui t’a porté ou peut être celle que tu as engendrée. Je suis celle au lien partagé qui de son enfance a subi le même sort. Je suis peut-être celle que tu as choisie pour t’accompagner sur un bout de chemin ou une destinée.
Je suis ta mère, ta sœur, ta fille, ta femme ou peut-être même un peu toi…
Tenny
