Assis sur le bord de la falaise, je regarde ce magnifique paysage… Que dois-je faire, il me faut prendre une décision! Tout est si merveilleux ici, cette gigantesque chute d’eau, finissant sa descente dans ce lac aussi brillant qu’apaisant… Je m’y baigne souvent, cette eau chaude et douce caresse ma peau comme de la soie. Cette forêt, dense et lumineuse à la fois, me protège de la solitude quelquefois.
Là, je suis perdu, je n’arrive pas à me décider… Sigòy m’a si souvent parlé de toi, de ta vie, de ce parcours… Tu es merveilleusement forte et courageuse ! J’aimerais te revoir, pouvoir te toucher, te sentir, me blottir contre toi…
La première fois que j’ai croisé le chemin de Sigòy, je courais à en perdre haleine à travers cette plaine d’un vert intense. Je me suis engouffré entre les Saules Blancs, ceux qui bordent la forêt, juste avant la vallée des origines. J’ai d’abord cru que c’était un magnifique cheval blanc. Ensuite, elle s’est retournée et je l’ai vue, cette façon majestueuse de se dresser, cette magie émanant de sa corne, cette tendresse dans le regard… une licorne splendide comme jamais je n’en avais croisé jusque-là ! Elle m’a dit qu’elle me cherchait depuis un long moment déjà, elle n’avait jamais perdu espoir. Elle m’a expliqué qu’elle t’avait croisée dans ce rêve où tu pleurais. Tu étais si triste de ne pas me trouver, tu l’avais suppliée de me chercher !
Je me suis allongé auprès d’elle et l’ai écoutée me conter ta vie, ce chemin que tu avais parcouru, tes épreuves, tes batailles, tes victoires, tes forces, tes faiblesses,… J’ai appris à te connaître à travers ses yeux et, comme si je te connaissais depuis toujours, j’ai senti ce lien qui nous unissait depuis la nuit des temps !
J’ai enfin compris d’où venait ce sentiment au fond de moi, ce vide que je n’arrivais pas à combler. Je me suis mis à rêver de toi, moi aussi ! Je suis venu te rendre visite à plusieurs reprises dans la douceur de la nuit, lorsque la lune permet cette magie féerique.
Quelques fois, tu m’as reconnu, nous avons parlé des heures entières, je t’ai raconté le pays extraordinaire dans lequel je vivais, mes amis les plus magiques et les plus loufoques, la beauté de l’univers, nous avons rigolé à s’en rompre la mâchoire et pleuré sur nos déboires, priés pour que plus jamais nous n’ayons à traverser ces déceptions… Tout en sachant qu’au petit matin, tu ne te souviendrais plus de moi, de nous !
Puis un jour, Sigòy me l’a annoncé… Il y avait un moyen de te rejoindre ! Si je le désirais, je pouvais venir vivre avec toi !
Il existait donc un moyen, un moyen de te rejoindre vraiment ! Mon cœur ne fit qu’un saut, je ne maîtrisais plus ma joie, je me mis à sautiller dans tous les sens ! J’allais pouvoir te toucher, te sentir, me blottir contre toi, te couvrir de baisers… Nous allions enfin pouvoir être unis !
Sigòy commença à m’énoncer les exigences de l’extrance. Un long chemin à parcourir, des épreuves à surmonter, des décisions irréversibles, une bravoure à démontrer, mais, au final… Toi !
Je crus être prêt pour cette merveilleuse quête mais c’est à ce moment que Sigòy me dit que je ne pourrais pas revenir, que je devrais tout laisser derrière moi, et que je ne reverrais plus jamais ce merveilleux endroit, les lutins coquins, les fées scintillantes, les animaux câlins de cette forêt si importante pour moi et mes amis, mes semblables Imua-tamaïti ! Je me sentis perdu, je ne savais plus ce qu’il fallait que je fasse… Comment envisager de perdre ce qui me semblait être l’essence même de mon âme ? Je n’avais jamais imaginé devoir faire un choix aussi considérable, un renoncement si fondamental !
Mon cœur est en lambeau, j’ai la sensation que je n’y arriverai jamais. Je me retrouve là, assis au milieu de ce qui est mon Eden et cette sensation, cette détresse, me consument…
Mais entre toi et moi, plus rien ne serait plus jamais pareil si je ne devais plus te revoir… Je me sens lié à toi, par cet amour qui me transcende depuis que je sais que c’est toi qui manques à mon âme ! Je sais au plus profond de moi que le choix n’est plus à faire, que c’est une évidence. Mon chemin ne s’arrête pas ici, au contraire, c’est juste une halte ! J’ai profité de chaque moment avec une intensité incomparable, j’ai rencontré des êtres fantastiques emprunts de bonté, de joie, de malice et si bienveillants ! Mais c’était justement pour que je sois prêt pour ce jour !
Tout devient clair maintenant, je sais qu’autre chose m’attend là-bas, auprès de toi, un chemin où tu seras mon guide, ma confidente, ma conseillère, ma muse…Il est temps que j’aille prévenir Sigòy, lui dire que je suis prêt pour braver n’importe quelle épreuve. Il faut que l’on y aille, maintenant !
Me voici donc dans la vallée, devant cette porte gigantesque, j’ai un peu peur, peur de l’inconnu, je crois, mais plus rien ne m’arrêtera ! Sigòy me prévient qu’elle ne pourra pas m’accompagner, que seul mon instinct me guidera, qu’il me faudra être fort et courageux.
Je le suis ! Ouvre-moi la porte Sigòy, je suis prêt ! Adieu ma belle licorne, je suis comblé de t’avoir rencontrée. Je sais qu’un jour ou l’autre, je te reverrai, dans un de mes rêves… Je l’espère de tout mon cœur.
La porte s’ouvre doucement, je regarde une dernière fois derrière moi, et comme si mon regard pouvait capturer cette magie, je me retourne et m’engouffre derrière la porte.
Il fait sombre, j’entends du bruit. Je crois qu’il y a du monde autour de moi.
Nous sommes, apparemment, plusieurs à être prêts pour cette quête. Je crois que pour cette épreuve, il s’agit d’une course… Je me souviens des conseils de la fée Lupi qui, lors de nos courses effrénées, me répétait sans cesse, « peut importe le premier parti, c’est l’endurance et la volonté qui compte ».Je n’ai jamais été autant décidé à atteindre mon objectif. La course a débuté et rien ne pourra m’arrêter ! J’ai la sensation de pouvoir voler, il n’y a pas de lumière, mais je crois que je file comme l’éclair !
Ton image me guide, je sais que je vais y arriver, mais que cette course est longue, j’ai la sensation de courir depuis des heures, il n’y a pas de temps ici, juste un but à atteindre !
Me voilà arrivé, épuisé, il ne reste plus beaucoup d’entre nous, mais les plus volontaires seulement ! Et déjà, la prochaine épreuve, un combat ! Le vainqueur aura la clef qui ouvre la deuxième porte.
N’aie crainte, personne ne m’arrêtera ! Je gagnerai coûte que coûte, peut importent les blessures, les douleurs, je n’ai toujours que toi en tête, ton merveilleux sourire me guide. Je sais que je vais te retrouver !
Les autres sont coriaces, mais aucun n’a ma détermination. Les combats sont rudes, mais voilà déjà la fin de l’affrontement et il me reste encore l’énergie pour en neutraliser dix !
J’ai réussi, j’ai réussi, il ne reste plus que moi, je suis le dernier guerrier de cette expédition !
Voilà, la porte blanche qui s’ouvre sur une immense salle qui apparemment sera le lieu de ma réflexion. L’endroit me semble calme, apaisant… Je crois que cette antichambre sera idéale pour me préparer à ta rencontre…
Mais déjà, quelque chose d’étonnant se passe en moi… Je me sens bizarre, des souvenirs des plus invraisemblables m’envahissent et cet endroit semble m’entourer de plus en plus… Je me sens … En paix ! Tout devient clair, je commence à comprendre le sens de tout ceci, il y a comme une sorte de savoir qui m’envahit !
Le temps a passé et je sens l’heure du départ approcher, je me sens prêt ! J’ai renoncé à tout pour ce jour ! Il est temps !
Mon voyage commence maintenant, je vais enfin te retrouver, je t’ai sentie près de moi, depuis le premier jour de cette quête. Il existe une vraie osmose entre nous, un lien indéfectible qui nous liera à tout jamais !
Je vois comme une lumière qui m’attire, mon corps souffre, j’ai mal, mais je sais que je vais y arriver. J’ai la sensation d’être entre deux mondes. Cette épreuve n’est pas la plus difficile ! Il faut que j’y arrive, que je tienne bon … De l’air, il me faut de l’air, j’ai besoin de respirer, pitié !
Ça y est, je quitte l’éternité, je sais que, bientôt, je vais tout oublier. Les souvenirs de ce monde merveilleux, la connaissance de cet univers, bientôt tout me sera effacé, c’est le prix pour te retrouver, mais déjà, je sens ton souffle sur ma peau, tes mains me caressent, me protègent, ta voix si réconfortante comme une douce mélodie…
Tu me chuchotes à l’oreille : « Je n’aurais jamais imaginé un si beau cadeau… »
Oh maman, je t’aime tant !
Tenny